Moustache bien taillée, chemisette bleue et allure svelte, Amanjai Ibatulo, ancien professeur de sport de 70 ans, vit dans une grande maison blanche sur la rive nord de la mer Caspienne, dans la région d’Atyraou, au Kazakhstan. Il y a vingt ans, la côte se trouvait à 2 kilomètres de son domicile, en lisière du bourg de Zhanbay ; elle se situe désormais à plus de 20 kilomètres. L’eau se trouve tout au bout d’une piste sablonneuse traversant une steppe aussi aride que dépourvue de relief. « Le climat est difficile, ici, nous avons très peu de précipitations et le vent souffle en permanence », observe Amanjai Ibatulo. Nostalgique de l’Union soviétique, il se souvient avec émotion du temps où le chômage n’existait pas et où la mer était généreuse. Il regrette surtout les parties de pêche entre amis : « Des années 1980 aux années 2000, on n’avait même pas besoin de bateau tellement le poisson était abondant. On prenait un filet de volley, on marchait un peu et, au bout d’une demi-heure, on revenait avec deux ou trois esturgeons. » Reconnaissable à sa silhouette fuselée, l’esturgeon est le symbole de Zhanbay. Statufié, il trône sur un piédestal au milieu de la localité. Les habitants apprécient sa chair avec laquelle ils préparent le fishbarmak, une variante du beshbarmak, le plat national kazakh composé de nouilles accompagnées de pommes de terre, d’oignons, et dans lequel le cheval et l’agneau sont remplacés par du poisson. Le plus grand esturgeon est appelé le béluga européen (huso huso, de son nom scientifique, à ne pas confondre avec l’espèce de cétacés appelée béluga) et peut atteindre 7 mètres de long. Le prix de son caviar peut s’élever à plusieurs milliers d’euros le kilo. Amanjai Ibatulo se remémore avec fierté sa plus grosse prise : un béluga de 500 kilos. Depuis 2014, l’ex-professeur n’a plus le droit de pêcher l’esturgeon. « Les amendes sont très élevées. Avant, on mangeait ce poisson tout le temps, cela nous manque », se désole Didar Yesmoukhanov, le placide maire de Zhanbay. Amanjai Ibatulo, 70 ans, ancien professeur de sport, le 25 juin, à Zhanbay (Kazakhstan). ll y a vingt ans, la côte se trouvait à 2 kilomètres de son domicile, elle se situe désormais à plus de 20 kilomètres. JULIEN PEBREL/AGENCE MYOP POUR M LE MAGAZINE DU MONDE Un panneau retrace, au sein de la mairie, l’histoire du village fondé en 1930, en même temps qu’un kolkhoze de pêcherie qui a fermé dans les années 1990. En raison de la surpêche, du braconnage, de la pollution, mais aussi de la baisse du niveau de la mer, les six espèces d’esturgeon présentes dans la Caspienne sont désormais menacées d’extinction, d’après l’Union internationale pour la conservation de la nature. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Dans le Sud-Ouest, le long combat pour sauver la dernière population d’esturgeon européen Ajouter à vos sélections Ce déclin touche principalement le nord de cette mer intérieure, peu profond, que se partagent la Russie et le Kazakhstan. Un bassin où se jettent les deux grands fleuves Volga et Oural, que les esturgeons remontent pour frayer. A Zhanbay, la saison officielle de la pêche dure quelques mois, au printemps et à l’automne, et se concentre désormais sur la carpe. Mais, à cause du faible niveau de vie, nombreux sont ceux qui continuent malgré tout de pêcher l’esturgeon. Il vous reste 81.2% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
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Au Kazakhstan, un assèchement de la mer Caspienne aux conséquences désastreuses
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