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Au Sénégal, de la gauche réformiste au courant libéral, la classe politique formée à l’école maoïste

by News7
Au Sénégal, de la gauche réformiste au courant libéral, la classe politique formée à l’école maoïste



Le président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, et le président chinois, Xi Jinping, lors du Forum sur la coopération sino-africaine, à Pékin, le 4 septembre 2024. KEN ISHII / VIA REUTERS C’est une règle non écrite de la vie politique sénégalaise. Depuis deux décennies, on trouve toujours un ancien maoïste dans les hautes sphères du pouvoir. Macky Sall, président de 2012 à 2024, a fréquenté ce mouvement quand il était lycéen à Kaolack. Son frère Aliou Sall, lui aussi homme politique de premier plan, en a été un militant assidu. Aujourd’hui, Madièye Mbodj, un « mao » historique, est conseiller du nouveau président Bassirou Diomaye Faye, qui effectue son premier voyage en Chine à l’occasion du Forum sur la coopération sino-africaine organisé du 4 au 6 septembre. Toute une génération d’hommes politiques, d’artistes et d’intellectuels sénégalais est passée par le maoïsme. Au moment où la Chine réaffirme ses ambitions africaines, la présence d’anciens lecteurs du Petit Livre rouge à différents postes de direction n’explique pas les bonnes relations entre Dakar et Pékin. Mais un ancien militant glisse sous couvert d’anonymat : « Les anciens révolutionnaires étaient nombreux au gouvernement lors du rétablissement des relations entre la Chine et le Sénégal en 2005. Le ministre des affaires étrangères d’alors, Cheikh Tidiane Gadio, était lui-même un ex-mao. Quand il rencontre un communiste chinois, il le comprend vite, il connaît cette culture. » Lire aussi | Au Sénégal, le premier ministre Ousmane Sonko gagne du temps en attendant une majorité parlementaire Ajouter à vos sélections Le sociologue Mamadou « Mao » Wane, septuagénaire blagueur et cultivé, conserve de bons et de mauvais souvenirs de ses années passées dans le militantisme. Les mauvais : trois passages par la prison sanctionnant son activisme. Parmi les bons : ce congrès clandestin en 1972, tenu dans une forêt de filaos sur une plage non loin de Dakar. M. « Mao » Wane conserve son surnom lors de ses interventions régulières dans les médias sénégalais pour commenter l’actualité. Ce sobriquet, il le doit à ses lectures à voix haute du Petit livre rouge de Mao Zedong. Issa Samb alias « Joe Ouakam », l’un des plus célèbres artistes contemporains sénégalais décédé en 2017, raconte-t-il, « ramenait secrètement de Mauritanie des exemplaires du livre en traversant le fleuve entre les deux pays. » Dans un Sénégal présidé par Léopold Sédar Senghor de 1960 à 1980, la simple détention du recueil de pensées du dirigeant chinois pouvait causer des ennuis avec la police. Toutefois, des centaines de jeunes épousent les idées marxistes en vogue dans le monde. Au Sénégal, c’est Mao qui parle le plus à la jeunesse : le dirigeant chinois a le mérite d’écrire sur les économies agraires et le néocolonialisme. Dans la foulée des manifestations et des émeutes du mai 1968 dakarois, la première organisation maoïste, le Mouvement des jeunes marxistes-léninistes (MJML), naît au début des années 1970. Une école de formation intellectuelle et politique Le mouvement attire vite des centaines de jeunes grâce à ses activités culturelles : théâtre, clubs de lecture… L’activisme d’un « front culturel » rouge permet l’enracinement dans les universités. Des artistes plus tard célèbres, comme le musicien Baaba Maal, frayent avec cet univers radical.
La tendance mao s’avère être une école de formation intellectuelle et politique. El Hadj Kassé, ancien maoïste, écrivain et ex-conseiller du président sortant Macky Sall, explique : « Chaque militant devait être “rouge et technicien”. Nous lisions de l’économie, des sciences dures, des traités d’ingénierie… Nous traduisions en wolof des textes pointus pour les lire dans des groupes ouvriers… » Les esprits brillants ne sont pas rares dans la galaxie qu’on appelait « prochinoise ». C’est le cas de la figure subversive la plus connue du Sénégal, Omar Blondin Diop, mort en 1973 dans des circonstances toujours obscures alors qu’il était enfermé sur l’île de Gorée. Ce jeune passé par le MJML, tenté par la lutte armée, était un ancien élève de l’Ecole normale supérieure à Paris, intellectuel remarqué par Jean-Luc Godard qui lui fit jouer son propre rôle dans son film La Chinoise. Le mouvement exige beaucoup de ses partisans. La répression est dure. « La simple diffusion du journal Xare Bi [“La lutte” en wolof] pouvait vous envoyer en détention », se souvient M. Kassé. Des étudiants et des lycéens suivant les préceptes de « l’encerclement des villes par les campagnes » et de « la ligne de masse » quittent les villes pour « s’établir », selon le terme en vogue, dans des villages paysans. « Certains y sont restés toute leur vie », s’amuse M. « Mao » Wane. « Des acteurs importants de la transition démocratique » Quelle que soit la voie qu’ils ont choisie, les anciens partisans du mouvement insistent sur la manière dont il a marqué le Sénégal moderne. En son temps, il nourrit la discussion intellectuelle. Les jeunes révolutionnaires polémiquent avec Cheikh Anta Diop, sans doute le plus célèbre intellectuel d’Afrique de l’Ouest. M. Senghor ne se contente pas de les réprimer violemment, il tâche de leur répondre en signant des textes sur Karl Marx et le socialisme. Sur bien des sujets, les prochinois sont des précurseurs. L’organisation féministe pionnière Yewwu Yewi (« Prendre conscience et se libérer » en wolof) naît de leurs rangs dans les années 1980. Forts de leur éducation anti-impérialiste radicale, ce sont toujours d’anciens maoïstes qui animent les débats sur les orientations économiques et le développement du Sénégal, à l’instar de l’économiste Demba Moussa Dembele, pourfendeur du franc CFA, ou d’Alioune Sall dit « Paloma », passé de la cavale et des camps d’entraînements palestiniens au métier de consultant international. Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Macky Sall, « l’absent le plus présent » de la scène politique au Sénégal Ajouter à vos sélections « Les maoïstes ont été des acteurs importants de la transition démocratique, rappelle sous couvert d’anonymat un ancien ministre passé par l’extrême gauche. A la fin des années 1970, certains ont rejoint l’organisation panafricaniste dirigée par Cheikh Anta Diop, le Rassemblement national démocratique, qui a participé à exercer une pression sur le président Senghor afin que le Sénégal accède au multipartisme. » Suivez-nous sur WhatsApp Restez informés Recevez l’essentiel de l’actualité africaine sur WhatsApp avec la chaîne du « Monde Afrique » Rejoindre Dans les années 1980, des partis sont légalisés. C’est le cas de la formation maoïste And Jëf (« Agir ensemble » en wolof). Son dirigeant, Landing Savané, réunit dans le sillage de son organisation plusieurs chapelles gauchistes. « Convaincu que le moment était venu pour participer à l’alternance, il a soutenu le candidat libéral Abdoulaye Wade à la présidentielle de 2000 », continue la même source. Au sein d’une coalition hétéroclite, M. Savané aide M. Wade à battre dans les urnes Abdou Diouf, successeur de M. Senghor, et à tourner la page de décennies de toute-puissance du Parti socialiste. M. Savané deviendra ministre sous M. Wade, comme d’autres anciens maoïstes. L’ère de l’agitation radicale est close. Certains rejoignent la gauche réformiste, d’autres les partis libéraux. Quelques-uns continuent de porter des discours plus critiques. Entre eux, les critiques fusent parfois. Mais beaucoup gardent de bons rapports. « Il y a de l’estime, du respect entre nous malgré les divergences, du fait de cette époque partagée », souligne M. Kassé. Ce dernier, malgré des choix divergents, relit aujourd’hui volontiers les textes de son ancien camarade Alioune Sall « Paloma », resté bien plus à gauche. Jules Crétois (Dakar, correspondance) Réutiliser ce contenu



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