A Bruxelles, il a gagné le surnom de « Mr Revolving Door » (« M. Porte tournante »). Le pantouflage de Günther Oettinger, trois fois commissaire européen après avoir fait carrière dans les rangs de la CDU allemande, le parti conservateur d’Angela Merkel, et sa reconversion dans le lobbying faisaient déjà jaser dans les couloirs des institutions européennes. Mais, fin août, s’est installé comme un malaise lorsqu’il est apparu que l’ex-commissaire avait été recruté par Shein, le géant chinois de la mode « ultrafast » en ligne, très incommodé par l’orientation des réglementations européennes. Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Shein s’offre les services de lobbying d’un ex-commissaire européen pour protéger son modèle économique dans l’UE Ajouter à vos sélections Le malaise ne vient pas seulement du cynisme d’un ancien commissaire européen qui, chargé de 2010 à 2019 de dossiers aussi importants que l’énergie, l’économie numérique puis le budget, s’enrichit en venant plaider contre des politiques qu’il a contribué à élaborer. Le malaise vient surtout de l’origine du nouvel employeur de M. Oettinger : la Chine, officiellement « rivale systémique » de l’Union européenne et féroce compétitrice, dont la stratégie d’influence est dans le collimateur de tous les services de renseignement occidentaux. Pour ne rien arranger, il y a un précédent, allemand aussi et tristement célèbre, que personne n’a oublié : celui de Gerhard Schröder, le chancelier (1998-2005) séduit par Vladimir Poutine et les généreuses rémunérations de Gazprom. M. Schröder n’était certainement pas le seul Européen à avoir succombé aux sirènes des grandes entreprises russes ; mais, précisément, l’expérience de l’opération de séduction russe brutalement discréditée par l’invasion de l’Ukraine, en 2022, pouvait laisser penser que la leçon avait été retenue à Berlin, à Paris ou à Madrid. Ce n’est visiblement pas le cas. Tombé en disgrâce en Allemagne, l’ancien chancelier social-démocrate, malgré ses 80 ans, exerce encore ses talents auprès de la Chine, où il siège, par exemple, au conseil consultatif de la China Investment Corporation. La légende a fait long feu en Europe « La capture des élites européennes par le Parti communiste chinois [PCC] est une vraie stratégie, qui a été déployée avec la promotion des “nouvelles routes de la soie” » dans la décennie 2010, rappelle Abigaël Vasselier, chercheuse au Merics, à Berlin, un institut spécialisé dans l’étude de la Chine. En Italie, par exemple, en 2019, Michele Geraci, sous-secrétaire d’Etat au développement économique après avoir enseigné en Chine, a servi de courroie de transmission pour amener son gouvernement à signer un protocole d’accord avec Pékin, faisant de l’Italie le seul pays européen à adhérer à ce programme d’expansion économique chinois. Le gouvernement de Giorgia Meloni a dénoncé le protocole d’accord, fin 2023. Il vous reste 55.02% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
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« Des “routes de la soie” aux technologies vertes, la stratégie d’influence de la Chine en Europe a évolué, mais la méthode reste la même »
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