XAVIER LISSILLOUR Après l’école, le fils de Hattie (elle ne donne que son nom anglais), 9 ans, prend des cours de chinois, de mathématiques, d’anglais, de dessin et de ping-pong, à raison de deux heures par semaine pour chaque matière. Idem pour son grand frère, âgé de 16 ans, hormis le basketball au lieu du ping-pong. Rien d’exceptionnel pour ces deux jeunes Shanghaïens : dans le système scolaire ultracompétitif chinois, la plupart des parents qui en ont les moyens paient des cours de soutien à leurs enfants. Mais de temps en temps, Hattie reçoit un message des deux entreprises de tutorat où elle envoie ses enfants : pas de classe cette semaine. « On nous informe qu’il y a un problème, alors on suppose que c’est à cause d’une inspection », témoigne-t-elle. Une inspection du département de l’éducation : car, depuis deux ans, ces cours de soutien scolaire sont interdits en Chine. Comme la demande n’a pas disparu, le secteur du périscolaire s’est transformé en un vaste marché noir plus ou moins toléré par les autorités. En juillet 2021, le ministère de l’éducation avait annoncé une réforme radicale : des milliers d’entreprises, dont certaines étaient cotées à la Bourse de Wall Street, ont été priées de devenir des entités « à but non lucratif », ou de fermer boutique. Du jour au lendemain, une industrie estimée à 300 milliards de dollars (281 milliards d’euros) a été réduite quasi à néant. Lire aussi (2021) : Article réservé à nos abonnés La Chine tente de réglementer le secteur du soutien scolaire, source d’inégalités Début 2022, New Oriental Education & Technology Group Inc, le numéro un du secteur, annonçait avoir supprimé 60 000 postes. Les parents anxieux se sont tournés vers des offres alternatives : cours particuliers, enseignants basés à l’étranger, ou carrément des cours clandestins donnés dans des lieux tenus secrets. Ne pas attirer l’attention A l’époque, le gouvernement avait mis en avant le fardeau financier qui pesait sur les parents pour justifier cette mesure. La réforme, officiellement appelée « double réduction », visait à réduire à la fois la quantité de devoirs donnés aux élèves, et l’offre de soutien disponible. Dans le même temps, le ministère demandait aux écoles publiques de renforcer l’étude supervisée au sein des établissements, après les heures de classe. L’objectif était clair : un mois plus tôt, la Chine venait d’élargir la limite de deux enfants par famille à trois enfants (limite finalement abandonnée début 2023). Après près de quarante ans de politique de l’enfant unique, le pays constatait qu’il était confronté à une crise démographique, et que le coût de l’éducation était un obstacle majeur pour les couples souhaitant avoir plus d’enfants. Un an après la mise en place de cette mesure, cependant, le ministère reconnaissait qu’environ 3 000 entreprises proposaient des cours illégaux. Il vous reste 65% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
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En Chine, les cours particuliers pour enfant s’échangent sous le manteau
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