Des membres d’une même famille se réunissent autour de leur grand-mère de 86 ans, l’aînée de la famille, dans leur maison ancestrale à Moradabad, en Inde, le 5 mars 2023. JOSEPH CAMPBELL / REUTERS La grande maison des Singh, simple mais confortable, située à Modinagar, dans l’Uttar Pradesh, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale indienne, abrite quatre générations et dix personnes. Le plus âgé, le grand-père, Malkhan, 79 ans, se déplace lentement avec une canne ; le benjamin, 1 an, ne marche pas encore. Suivant une tradition très ancienne en Inde, celle des joint families, le patriarche a choisi de vivre avec sa femme, Rajbala, sous le même toit que ses deux fils et leur famille. Il n’est pas démuni financièrement – il reçoit une pension en tant qu’ancien ingénieur des télécoms pour le gouvernement, rare privilège dans le pays –, mais pas un instant il ne peut s’imaginer sans ses enfants, assure-t-il. « J’ai vécu, soutenu mes parents et, maintenant, ce sont mes fils qui prennent soin de moi. » Son petit-fils, AJ Nain, 24 ans, ne voit aucun inconvénient à perpétuer « cette culture familiale », dont il apprécie « l’esprit communautaire ». Les familles indivises ou élargies ont longtemps constitué le modèle dominant, fondé sur une structure patriarcale forte – seuls les garçons restent dans la famille – et gouverné par un contrat intergénérationnel tacite. Le fils viendra prendre en charge ses vieux parents et compensera ainsi l’absence de système de retraite et d’assistance sociale. Lire l’enquête | Article réservé à nos abonnés L’Inde, nouvelle puissance démographique Ajouter à vos sélections Cependant, depuis plusieurs décennies, ce modèle est fragilisé par un double mouvement migratoire, interne et externe. « Les jeunes générations migrent vers les villes à la recherche d’une meilleure éducation et d’occasions d’emploi. L’urbanisation est une menace pour les joint families », observe Poonam Muttreja, directrice de l’ONG Population Foundation of India. Le passage au modèle des familles nucléaires dans les zones urbaines laisse souvent les parents âgés dans les régions rurales, affaiblissant du même coup les systèmes de soutien traditionnels. Les infrastructures adaptées sont rares et onéreuses Dans le Sud, notamment dans le Kerala, c’est l’essor des migrations vers les pays du Golfe qui sépare les familles. Selon le dernier recensement, datant de 2011, la proportion des familles indivises indiennes a diminué de 19,1 % à 16,1 %, entre 2001 et 2011, en particulier chez les pauvres. Malgré la jeunesse de sa population − l’âge médian est de 28 ans −, le pays le plus peuplé au monde, avec 1,4 milliard d’habitants, va très rapidement connaître un problème de vieillissement de sa population. D’après l’India Ageing Report 2023, la proportion de la population âgée (60 ans et plus) devrait doubler, d’ici à 2050, passant de 10,5 %, en 2022, à 20,8 %. Cette catégorie sera probablement, d’ici à 2046, plus nombreuse que les moins de 15 ans. Il vous reste 25.85% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
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En Inde, les « joint families » fragilisées par l’urbanisation
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