Pourra-t-elle briser la malédiction qui pèse sur son nom de famille à la tête de l’État ? Les Thaïlandais s’interrogent. Choisie hier par son parti, le Pheu Thai (PT), et ses alliés, Paetongtarn Shinawatra est devenue la 31e première ministre de la Thaïlande, ce 16 août, au Parlement. Elle succède à Srettha Thavisin, destitué deux jours plus tôt par la Cour constitutionnelle. À 37 ans, c’est la plus jeune dirigeante d’un pays asiatique, et la troisième membre de la famille Shinawatra aux manettes du pays.N’ayant jamais été élue ou exercé de fonction ministérielle, Paetongtarn Shinawatra est surtout connue pour être la fille du milliardaire Thaksin Shinawatra, figure aussi populaire que controversée en Thaïlande. Fondateur du PT et élu premier ministre en 2001, cet ex-policier réincarné en magnat des télécoms fut renversé par un coup d’État cinq ans plus tard. Contraint de s’exiler, il a pourtant continué de jouer un rôle central dans la vie politique du royaume, devenant la bête noire de l’élite militaro-conservateur. Sa sœur Yingluck Shinawatra, la tante de Paetongtarn, fut, elle aussi, chassée du pouvoir par l’armée en 2014.« Nous devons essayer de rendre le pays plus démocratique », expliquait Paetongtarn (on désigne les figures publiques par leur prénom) au Time en avril 2023, un mois avant les législatives, précisant à l’époque qu’elle était « prête » à « se battre » dans la turbulente arène politique du royaume et à « faire de ce pays un meilleur endroit pour ses enfants ». Le visage souriant de cette mère de famille aux cheveux longs n’est pas inconnu du public thaïlandais. Suivie par 676 000 fans sur Instagram, où elle poste souvent des photos d’elle flanquée de ses proches, cette femme politique de l’ère des réseaux sociaux était la principale candidate du Pheu Thai au poste de premier ministre lors des élections de mai 2023, à l’issue desquelles son parti est arrivé en deuxième position.« Elle apprend vite »« Quand elle est entrée en politique, Paetongtarn a réussi à dépasser les attentes, elle s’est révélée très douée pour faire campagne et créer du lien avec son électorat, rappelle Petra Alderman, chercheuse à l’université de Birmingham et autrice d’un ouvrage sur la politique thaïlandaise. La plupart des électeurs du Pheu Thai auraient voulu avoir Paetongtarn comme première ministre, pas Srettha.»C’est finalement ce dernier qui sera nommé à la tête du gouvernement le 22 août 2023. Soit le même jour que le retour au bercail du patriarche Thaksin après quinze ans d’exil pour échapper à la justice. Un retour permis grâce un accord de circonstance – dans lequel la nomination de Srettha était incluse – entre le milliardaire et ses ennemis d’hier du camp conservateur. Paetongtarn, elle, héritera de la gouvernance du parti Pheu Thai.« Capable de s’adapter aux situations, elle apprend vite », confie un ex-collaborateur qui l’a suivie tout au long de sa campagne. « Ce qui m’inquiète, ajoute cette source, c’est la pression politique à laquelle elle va devoir faire face : le rôle politique de Thaksin lui rendra la tâche encore plus difficile. » L’experte Petra Alderman confirme : « Finalement, comme tout premier ministre lié au Pheu Thai, elle travaillera dans l’ombre de son père, qui est une force politique avec laquelle il faut compter. Mais qui, aussi, peut être un handicap. Porter le nom Shinawatra est une arme à double tranchant. » Elle hérite d’un pays qui, en proie à une instabilité politique chronique, est frappé par la stagnation économique. Ici, la question n’est pas tant de savoir si elle est capable de gouverner mais plutôt jusqu’à quand.
en pleine crise politique, la plus jeune première ministre d’Asie prend les rênes du pouvoir
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