Guerre des moustiques entre les deux Corées



Un dispositif de capture de moustiques, près de la zone démilitarisée, à Paju, dans le nord de la Corée du Sud, en juillet. ANTHONY WALLACE / AFP A l’attaque Il n’y a pas que l’artillerie et le nucléaire nord-coréens qui menacent le Sud. Il y a aussi les moustiques. Depuis le mois d’août, les autorités sud-coréennes ont intensifié leur traque aux insectes. Des dispositifs de capture sont notamment actifs en bordure de la DMZ, la zone démilitarisée qui court le long de la frontière entre les deux Corées. Ils fonctionnent par émission de substances, naturellement présentes sur la peau humaine, ou de dioxyde de carbone pour attirer les diptères. En Corée du Nord, le paludisme reste endémique, 4 500 cas ont été enregistrés entre 2021 et 2022, d’après l’OMS. Le manque de moyens empêcherait Pyongyang de s’attaquer à ce fléau transmis par les moustiques du genre anophèle, capables de parcourir jusqu’à 12 kilomètres et qui prolifèrent avec le réchauffement climatique. Victimes collatérales Dans un article de la revue Social History of Medicine (mai 2016), Kim Jeong-ran, de l’université d’Oxford rappelle que « le paludisme était répandu dans une grande partie de la péninsule ». Le programme sud-coréen de lutte contre la maladie date de 1959. Les moyens mis en œuvre ont donné des résultats spectaculaires et, en 1979, l’OMS a reconnu l’éradication du paludisme en Corée du Sud. C’est à Paju, dans le nord de la Corée du Sud, qu’il a refait son apparition. Un soldat l’a contracté en 1993. Quatre mille cas ont été déclarés au cours de l’année 2000. De nouvelles mesures ont permis de réduire ce nombre à quelques centaines par an. Mais, entre 2022 et 2023, il a néanmoins bondi de près de 80 % passant de 420 à 747. Et la situation s’aggrave. Puisque 70 cas ont été recensés en juillet 2024. Lire aussi | Article réservé à nos abonnés A Brooklyn, la mare aux poissons de la discorde Ajouter à vos sélections Base arrière Faute de coopération entre le Nord et le Sud, « il n’est pas possible de lutter contre les parasites dans la DMZ », déplore Kim Dong-gun, biologiste à l’université Sahmyook. Établie en 1953, à la fin de la guerre de Corée, cette bande de terre de 4 kilomètres de large exempte de toute présence humaine sépare les deux Corées sur 250 kilomètres d’est en ouest. Des espaces marécageux de l’embouchure du fleuve Han, sur la mer Jaune, à l’ouest, aux reliefs montagneux, à l’est, la zone représente 90 000 hectares de paysages variés. Un millier de plantes, 650 espèces de vertébrés, reptiles et amphibiens et 52 espèces de mammifères y survivent. Des « animaux qui servent de source de sang aux moustiques pour pondre leurs œufs », explique Kim Hyun-woo, de l’Agence sud-coréenne de contrôle et de prévention des maladies. Ligne de front Face à la progression du nombre de cas de paludisme, Séoul a émis cette année une alerte nationale et a appelé à intensifier le réseau de ­capture et de surveillance des moustiques, installé dès les années 1990. Au nord-ouest de la province de Gyeonggi, Paju est en première ligne. La ville, séparée des municipalités nord-coréennes de Jangpung et de Kaesong par la DMZ, abrite le village de Panmunjeom, où fut signé l’armistice de la guerre de Corée. Considérée comme partie intégrante de la « ligne de front de la guerre froide », elle est devenue une véritable ville de garnison et la liberté de circulation de ses habitants a été sévèrement entravée. A la faveur de la baisse des tensions dans la péninsule dans les années 2000, la région a connu une croissance économique rapide.



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