L’exercice d’équilibrisme de la Chine entre « l’ami » russe et la préservation des liens avec l’Occident

Le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue chinois, Xi Jinping, à l’occasion d’une rencontre à Pékin, le 16 mai 2024. SERGEI BOBYLEV / VIA REUTERS Tapis rouge, vingt et un coups de canon sur la place Tiananmen, enfants agitant fleurs et drapeaux… Xi Jinping a reçu Vladimir Poutine avec les plus grands honneurs, jeudi 16 mai, à Pékin, avant que son hôte ne se rende le lendemain à Harbin, capitale de la province du Heilongjiang, dans le nord-est du pays. Illustration d’une relation profonde – ils se sont vus plus de quarante fois depuis 2013 –, les deux hommes ont pris le thé en extérieur, sur des fauteuils en rotin, avant de se promener seuls avec leurs traducteurs le long des lacs de Zhongnanhai, les palais du pouvoir qui jouxtent la Cité interdite. Soixante-quinze ans après l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays, et « malgré le vent et la pluie », les liens sino-russes sont « aujourd’hui à leur meilleur niveau historique », selon Xi Jinping. La longueur du communiqué commun, 7 000 mots en russe, et une accolade rarissime venant de M. Xi en disent beaucoup sur la convergence de vues. Il est question de commerce, d’énergie, mais aussi de coopération militaire pour « constamment améliorer la capacité et le niveau des deux parties à répondre aux risques et défis ». L’adversaire commun est explicitement nommé, les Etats-Unis, et leurs « tentatives d’affaiblir la stabilité stratégique afin de maintenir leur supériorité militaire ». Relation « modèle » La Chine, qui jusqu’à présent n’était pas entrée sur ce terrain, a laissé s’immiscer dans le communiqué une « vive condamnation des attitudes qui magnifient ou même essayent de raviver le nazisme et le militarisme » – référence au prétexte fallacieux utilisé par M. Poutine pour justifier l’invasion de l’Ukraine. Cette relation « modèle » est qualifiée de « partenariat stratégique global de coordination pour la nouvelle ère », un jargon diplomatique qui la place au sommet des relations de la Chine. En revanche, et malgré toute la pompe, les termes « amitié sans limites » qui avaient été employés trois semaines avant l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 n’ont plus cours. La formule avait été pensée fin 2021 par le vice-ministre chinois des affaires étrangères avec le plus de pouvoir, le spécialiste des questions russes Le Yucheng. Mais, en juin 2022, trois mois après le début de la guerre en Ukraine, il avait été muté comme chef adjoint de l’administration de la radio-télévision, puis avait pris sa retraite l’année suivante. Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Vladimir Poutine reçu par Xi Jinping, pour tester l’amitié « sans limites » entre la Russie et la Chine Ajouter à vos sélections La Chine est désormais désireuse de poser un cadre à ce partenariat qui lui coûte beaucoup dans sa relation détériorée avec les pays européens, débouchés indispensables pour ses exportations. Malgré son soutien affiché à M. Poutine, Xi Jinping a rappelé, devant son homologue, l’attachement de la Chine à « l’intégrité territoriale de tous les pays », et donc son refus des annexions successives effectuées par la Russie en Ukraine. Pékin voit aussi avec inquiétude la rhétorique nucléaire qu’emploie le président russe, qui a réalisé début mai des exercices simulant le déploiement d’armes nucléaires tactiques, alors que Xi Jinping était en visite en France. « Il ne peut y avoir de gagnants dans une guerre nucléaire, et elles ne devraient jamais avoir lieu », lit-on dans le communiqué conjoint. Il vous reste 60.75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



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