La Chine arrête un des frères Gao, figures de l’art contemporain engagé



Une performance des frères Gao lors de la cérémonie de remise du prix Kandinsky, à Moscou, le 10 décembre 2008. SERGEI KARPUKHIN / REUTERS Comptant parmi les plus renommés des artistes chinois qui ont émergé lorsque la Chine s’ouvrait, les frères Gao ont marqué par leur travail résolument politique. Signe d’un espace de liberté toujours plus restreint dans la Chine actuelle, l’un d’eux, Gao Zhen, est en détention depuis le 26 août, une information confirmée par Gao Qiang, son frère cadet, qui s’est installé récemment aux Etats-Unis. L’épouse de l’artiste a été informée par le bureau de la sécurité publique de Sanhe, commune située à l’est de Pékin, le lendemain de l’arrestation. Il est accusé au titre d’une loi adoptée en 2018 contre « les atteintes à la réputation et à l’honneur des héros et martyrs ». Son avocate a pu le voir vendredi 30 août. Son studio a fait l’objet d’une descente d’agents de police, qui ont pris des photos de certaines œuvres, dont des sculptures représentant Mao Zedong. Elles pourraient nourrir un dossier d’accusation. Gao Zhen résidait partiellement aux Etats-Unis et devait y retourner sous peu. Leur histoire familiale ayant été frappée par la tragédie du maoïsme, les deux frères ont évoqué ce thème dans une grande partie de leur travail commun, réalisé à partir du milieu des années 1980. Originaires de Jinan, la capitale de la province côtière du Shandong, ils n’ont que 6 et 12 ans lorsque, un jour de 1968, en pleine Révolution culturelle, leur père est traîné en détention, accusé d’être un ennemi de classe. Vingt-cinq jours plus tard, sa femme et ses six enfants sont informés de son « suicide », dont ils ont toujours douté. La famille se rend plus tard à Pékin pour protester auprès du pouvoir central contre cette injustice. Elle n’obtient finalement qu’une indemnisation d’un montant dérisoire. L’obsession de Mao Les deux frères étudieront ensuite les beaux-arts. La sanglante répression du mouvement de Tiananmen, au printemps 1989, dont ils peindront un « mémorial » (If Time Reversed, Memory 1989), ne fait que renforcer leur dénonciation des crimes du régime. Ils émergent parmi une génération d’artistes engagés qui tente de repousser les limites de la censure, aux côtés du célèbre Ai Weiwei, et deviennent des piliers de l’Espace 798, des usines militaires désaffectées dans le nord-est de Pékin qui se transforment en ateliers d’artistes au tournant des années 2000, tandis que l’art contemporain chinois attire désormais les collectionneurs internationaux. Une des sculptures des frères Gao représente des policiers emmenant de force une prostituée. Une autre œuvre met en scène de nombreux individus nus, enfermés dans des box en bois superposés représentant le carcan de la société chinoise. Il vous reste 38.87% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



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