Quel est le rôle social des religions ? Et comment certaines croyances peuvent-elles résister à nos esprits cartésiens ? Depuis longtemps, les sciences sociales ont mis en évidence certaines implications des grandes religions monothéistes et moralisatrices. Leurs principes édifiants, l’observation possible par un dieu tout-puissant de nos actions les plus secrètes et la promesse d’un monde meilleur contingent à nos bonnes actions peuvent faciliter la coopération, les échanges économiques et l’épargne, et donc favoriser la croissance économique. Mais qu’en est-il des croyances dans le surnaturel ou l’astrologie ? Sont-elles de simples frivolités ou servent-elles aussi un rôle économique et social ? Lire l’enquête | Article réservé à nos abonnés Les chevaliers du zodiaque ou l’astrologie 2.0 Ajouter à vos sélections Une étude publiée le 5 août 2024 (« Astrology and Matrimony : Social Reinforcement of Religious Beliefs on Marriage Matching in Vietnam », Edoardo Ciscato, Quoc-Anh Do et Kieu-Trang Nguyen) démontre non seulement la fonction sociale des croyances astrologiques, mais aussi la façon dont cette fonction sociale assure la persistance même de ces croyances, en leur assurant un caractère autoréalisateur. Les auteurs étudient le cas de l’horoscope vietnamien, le Tu Vi, qui prédit notamment le caractère augural des mariages. Contrairement à l’horoscope chinois ou à celui de l’astrologie occidentale, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise année de naissance, ou de traits de caractère immuables supposément attachés à un signe astrologique. Les prédictions dépendent uniquement de l’année (lunaire) de naissance respective des époux, et varient d’année en année, n’imposant pas un écart d’âge particulier. Par exemple, il est de bon augure pour un homme né en 1980 d’épouser une femme née en 1977, mais de terrible augure d’en épouser une née en 1983. Bons et mauvais augures Les auteurs étudient d’abord les tendances de mariage dans la population à partir de données de recensement. Ils établissent que l’astrologie semble bel et bien influencer les unions : il y a plus de couples de bon augure et beaucoup moins de couples de mauvais augure (les prédictions peuvent aussi être neutres) par rapport à ce que l’on observerait dans une distribution aléatoire (même conditionnellement à l’âge et à l’éducation, deux facteurs importants dans le mariage). De plus, un couple de bon augure astrologique semble, à la marge, être moins bien assorti en matière d’éducation et d’âge. Comme si les époux étaient prêts à sacrifier un assemblage au niveau d’éducation pour une meilleure alliance astrologique. Les auteurs sont aussi capables d’observer une renaissance de ce phénomène religieux après l’ouverture politique en 1986 d’un régime communiste qui avait essayé d’éradiquer ces croyances depuis son accession au pouvoir (dans le nord du Vietnam depuis 1954, et dans le Sud depuis 1975). Il vous reste 32% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
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