Des véhicules électriques du constructeur chinois BYD, au port de Suzhou (Jiangsu), le 11 septembre 2023. – / AFP L’Europe, qui craint déjà d’être sortie de l’histoire géopolitique en raison de l’affrontement entre la Chine et les Etats-Unis, va-t-elle être éjectée également de l’histoire industrielle ? On sent comme une peur métaphysique de cette nature flotter désormais à Bruxelles. C’est ce qui transpire dans les propos tenus, mercredi 13 septembre, par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, devant les parlementaires. Evoquant une « inondation » des marchés mondiaux par les voitures électriques chinoises, elle a annoncé le lancement d’une enquête sur les subventions dont celles-ci bénéficient dans leur pays. En jeu, l’avenir de la dernière grande industrie manufacturière dont dispose encore l’Europe. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Il ne faudra que quelques années à BYD pour devenir le leader mondial de l’industrie automobile » Tout à coup, on convoque le traumatisme des panneaux solaires chinois, qui ont tué ce secteur prometteur au début des années 2000. Des droits de douane avaient bien été imposés en 2012, mais ils ont dû être levés, quelques années plus tard, pour permettre aux pays de respecter leurs objectifs en matière d’énergie renouvelable. L’histoire nous forcera-t-elle une fois de plus à choisir entre le climat et l’industrie ? C’était le sens de l’avertissement de Carlos Tavares, le patron de Stellantis, quand il déplorait que l’interdiction de vente des véhicules thermiques en 2035 en Europe allait dérouler le tapis rouge aux constructeurs chinois. Une longueur d’avance Mais cette menace du péril chinois est aussi une excuse facile pour masquer le fait que les constructeurs européens ont trop longtemps combattu la voiture électrique au prétexte de leur compétence en matière de véhicules à essence ou diesel. Ils n’ont pas voulu voir l’investissement colossal de la Chine pour développer ce marché et bâtir une filière complète, de la mine à la route. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Au Salon automobile de Munich, les constructeurs européens doivent faire face à la percée de leurs concurrents chinois Aujourd’hui, ils constatent, penauds, que leurs concurrents ont une longueur d’avance (trois ans au minimum) sur le plan de la technologie et des coûts. Il faut donc monter des digues en urgence pour stopper la vague. En 2021, les voitures chinoises ne représentaient que 2 % à peine des ventes de véhicules électriques en Europe. Elles pèsent aujourd’hui 8 % et dépasseront les 10 % à la fin de 2023. Ce sera 15 % dans deux ans, assure la Commission. Une voiture sur cinq vendues en Europe est électrique, et c’est plus d’une sur quatre en Chine, premier marché automobile mondial. Il est donc temps de s’inquiéter. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Au salon automobile de Munich, les Chinois sont omniprésents Lancer une enquête contre les subventions quand on en accorde massivement soi-même à son industrie, comme c’est le cas dans les batteries, n’est probablement pas la solution la plus subtile, mais c’est la plus consensuelle. A court terme, il serait déjà plus simple de réserver les aides aux véhicules européens, comme veut le faire la France. Mais il ne sera pas facile de rattraper le temps perdu sans pénaliser la transition énergétique. Douloureux dilemme.
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