Ce qui compte plus que tout pour Xing Wen, c’est la scolarité de sa fille. Elle y pense souvent, pendant ses longues journées courbée au-dessus de sa machine à coudre, dans l’atelier qui l’emploie à Jiaxing, une ville de 500 000 habitants située dans l’est dynamique de la Chine. En cet écrasant après-midi d’été, la femme en tee-shirt clair, cheveux mi-longs attachés, est occupée à associer des fermetures Eclair blanches à des pulls à col roulé en laine gris et mauves, qui jonchent le sol. Comme la plupart de ses collègues, elle est originaire de la province rurale du Hunan, à 800 kilomètres. Parce que son « hukou » (« permis de résidence ») est enregistré là-bas, sa fille n’a pas accès à l’enseignement public de la ville de Jiaxing, où la famille est désormais installée pour le travail. L’enfant de 12 ans est de ce fait inscrite dans une école privée peu onéreuse réservée à ces migrants de l’intérieur, citoyens de seconde zone. « A tous les points de vue, c’est différent : le niveau des professeurs, la qualité de l’établissement, c’est un ensemble qui fait que l’enseignement public est bien meilleur », assure Xing Wen, 30 ans. Ce sentiment de relégation est l’un des sujets que le troisième plénum du Parti communiste chinois, qui s’est achevé le 18 juillet, a semble-t-il voulu aborder. Au cours de cette réunion fixant les grandes orientations pour les cinq prochaines années, les dirigeants du pays ont posé pour objectif de « favoriser l’intégration rapide des travailleurs migrants d’origine rurale dans les zones urbaines », en leur ouvrant l’accès aux services publics fondamentaux. Les migrants « remplissant les conditions requises » devront bénéficier de « droits égaux à ceux des titulaires du hukou urbain », dit la décision, sans apporter de détails ni dire si le hukou en lui-même a vocation à disparaître complètement. Lire aussi | Article réservé à nos abonnés En Chine, Xi Jinping place la sécurité nationale au-dessus de tout Ajouter à vos sélections Le hukou, ou « certificat des foyers », un document rouge bordeaux tout juste plus grand qu’un passeport, détermine la vie des Chinois. Il conditionne l’accès à un enseignement de qualité ou la part des soins prise en charge à l’hôpital, en rattachant les droits sociaux des citoyens à leur lieu d’origine familiale. Le hukou a été institué par Mao Zedong en 1958 Au point que les familles bâtissent des stratégies pour le modifier : on cherche à acheter un appartement, on travaille et paye des taxes durant des années dans une grande ville pour obtenir un hukou d’une ville plus prestigieuse. Au même titre qu’un appartement, un hukou dans une grande ville peut même être un argument pour les jeunes qui cherchent à se marier. Inspiré de précédents impériaux mais institué par l’ancien dirigeant chinois Mao Zedong en 1958 pour organiser l’économie planifiée et limiter l’exode rural malgré les souffrances des campagnes, il a été assoupli dans de plus en plus de régions, mais il persiste. Il vous reste 66.48% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
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Le passeport intérieur qui conditionne toujours la vie des Chinois
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