LETTRE DE PÉKIN Image tirée du film « Upstream » (2024), réalisé par Xu Zheng. SHANGHAI RUYI FILM & TV PRODUCTION Pour une fois, l’un des grands succès de l’été au box-office chinois n’était ni une comédie romantique ni un film d’action nationaliste, mais une production au scénario se voulant on ne peut plus proche de la réalité quotidienne des 84 millions de Chinois qui travaillent dans l’économie des plates-formes numériques, soit un peu plus de 11 % de la main-d’œuvre du pays. Avec La Vie à contre-sens (Upstream pour le titre international), le réalisateur Xu Zheng, qui s’est aussi donné le rôle principal, pose, sous couvert de comédie, le tableau réaliste et sans fard des déconvenues actuelles de l’économie chinoise. Le titre évoque la manière de conduire émancipée du code de la route que pratiquent allègrement les livreurs pour arriver à l’heure promise au client par les algorithmes des applications. Mais il se réfère aussi au déclassement social vécu par beaucoup de ces hommes et femmes vêtus tout de jaune (s’ils roulent pour Meituan, le Deliveroo chinois) ou de bleu (s’ils sont au service du géant du e-commerce Alibaba), nouveaux forçats de l’économie numérique. Ils livrent les repas, les courses alimentaires, les habits neufs achetés en ligne ou ceux envoyés au pressing, on les voit traverser les villes, des sacs accrochés à tout ce qui dépasse de leur scooter électrique. Ils courent souvent dans les entrées des résidences, dans l’espoir de tenir le rythme et d’éviter des pénalités, ils trient avec empressement des montagnes de colis à l’arrière des immeubles. Lire aussi (2023) : Article réservé à nos abonnés En Chine, les jeunes délaissent l’industrie pour la livraison Ajouter à vos sélections « Nous sommes tous les soldats de la livraison » A l’écran, on découvre un cadre de la tech, Gao Zhilei, la quarantaine, bien employé dans un bureau à Shanghaï, fort de son mépris et qui, furieux des quelques minutes de retard avec lesquelles un livreur lui dépose son café commandé en ligne, le balance à la poubelle en lui hurlant dessus. Mais bientôt, Gao est licencié à son tour et les difficultés économiques s’accumulent. L’épargne du foyer disparaît dans une pyramide de Ponzi qui laisse les petits porteurs sans rien, les factures médicales s’empilent pour son père tombé malade, son épouse lui reproche d’avoir hypothéqué l’avenir de la famille et de leur enfant en ne lui ayant pas avoué qu’il avait tout perdu. Voilà donc le personnage de Gao contraint, à son tour, d’enfiler la veste et le casque jaune, découvrant un monde impitoyable. « Nous sommes tous les soldats de la livraison », lui explique un collègue. Il découvre les étagères en sorties de restaurants où il faut trouver les repas au plus vite, celles au pied des tours pour déposer les déjeuners en un temps record, les adresses introuvables, les risques d’accident, l’épuisement. Il vous reste 52.81% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
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Les livreurs, héros d’une comédie à succès en Chine
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