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Narendra Modi, l’homme qui a bouleversé le pays, en lice pour un troisième mandat

by News7
Narendra Modi, l’homme qui a bouleversé le pays, en lice pour un troisième mandat



Il se veut « l’Empereur des cœurs hindous ». Au service d’une idéologie d’extrême droite, Narendra Modi possède, à 73 ans, un pouvoir d’attraction flamboyant et la ruse acérée d’un vieux stratège. Grande est la tentation de céder à l’emphase quand il s’agit d’évoquer cet animal politique. Il incarne le destin inouï d’un enfant du Gujarat (Nord-Ouest) qui aidait son père à vendre du thé sur le quai d’une gare, et devint le premier ministre d’une nation de 1,4 milliard d’habitants. Il a réécrit la trajectoire de l’Inde, durant ses deux quinquennats marqués par l’avènement du nationalisme hindou et la montée en puissance de son pays sur la scène internationale. « Jai Hind ! » (Vive l’Inde !) en serait presque un cri de guerre, scandé par les foules en liesse lors de ses apparitions. Car Narendra Modi leur a promis : « Le XXIe siècle sera le siècle de l’Inde. »Pour poursuivre sa mission, il lui faut aujourd’hui se plier à la voix des urnes. Le premier ministre indien brigue ainsi un troisième mandat lors du scrutin législatif qui débute ce 19 avril et s’étirera jusqu’au 1er juin. Plus de 970 millions d’Indiens seront appelés à élire leurs représentants au Lok Sabha, la chambre basse du Parlement. Avec son parti du BJP (Parti du peuple indien), symbolisé par la fleur de lotus et la couleur safran, Narendra Modi est auréolé de sa popularité. Et fait figure de favori pour rester maître du jeu à New Delhi.« Toute une mythologie entoure Narendra Modi »Qui est vraiment cet homme aux multiples facettes ? S’il réinvente le récit politique de son pays, il forge aussi celui de sa propre histoire. Ses origines modestes à Vadnagar, une bourgade du Gujarat, se veulent un pied de nez aux élites arrogantes du Congrès, le dynastique parti d’opposition des Nehru-Gandhi. Sa bravoure supposée, à l’occasion, devient légende, avec l’anecdote de l’attaque d’un crocodile qu’il aurait maîtrisé, enfant, dans le lac situé à deux pas de sa maison. Marié à une institutrice qu’il a répudiée, Narendra Modi a longtemps caché cette union, mais son célibat est aussi la preuve d’un engagement total envers l’Inde. À 18 ans, le jeune Modi aurait entrepris un mystérieux vagabondage dans l’Himalaya durant deux ans, ce qui suscite l’admiration. « Toute une mythologie entoure Narendra Modi, commente son biographe Nilanjan Mukhopadhyay. Des récits construisent à dessein l’image d’un homme hors du commun. Modi, c’est un super-héros. »Le 6 avril, des soutiens du premier ministre sortant se rendent à un meeting à Pushkar (Nord-Ouest) / HIMANSHU SHARMA / AFP Chez lui, la politique est projetée en vocation. Il est entré, à l’âge de 8 ans, dans les rangs du RSS (Association des volontaires nationaux), matrice quasi paramilitaire du nationalisme hindou. Cette organisation, qui voue un profond dédain au Mahatma Gandhi pour sa défense d’une Inde multiconfessionnelle, avait été interdite en 1948 à la suite de l’assassinat du Père de la nation par l’un de ses membres. Au siège du RSS, à Ahmedabad, le jeune homme va gravir tous les échelons avant d’intégrer, en 1985, le BJP. Intuitif et habile, il sera l’un des premiers à comprendre le pouvoir de l’image. En janvier 2001, un séisme ravage la région de Bhuj. Il se précipite sur les lieux, avant l’arrivée du dirigeant du Gujarat. Sa photo auprès des victimes fera le tour des journaux. Quelques mois plus tard, Narendra Modi est nommé à la tête du Gujarat.Le messie de l’économieAu début de l’année suivante, des pogroms antimusulmans embrasent le Gujarat. Narendra Modi est soupçonné d’avoir « laissé faire ». En signe de désaccord, les pays occidentaux lui tournent le dos et les États-Unis lui refuseront même un visa. Mais lui s’érige en défenseur des hindous et remporte, en décembre 2002, un scrutin régional. Les émeutes « n’ont pas seulement catapulté Modi sur le devant de la scène politique au Gujarat, mais ont aussi démontré que la polarisation (religieuse, NDLR) pouvait l’aider politiquement à grande échelle », estime le directeur de recherche au CNRS Christophe Jaffrelot, dans son ouvrage Gujarat under Modi. En même temps, Narendra Modi œuvre à faire de son État « un modèle de développement ». Dès 2003, dans cette région encore meurtrie, il lance le slogan « Vibrant Gujarat », qui séduira les entrepreneurs.En 2014, Narendra Modi est élu à la tête de l’Inde avec une majorité écrasante, sur la promesse de faire briller l’économie. Ses initiatives en faveur des pauvres, distributions de bonbonnes de gaz ou constructions de toilettes, le rendent très populaire même si, sur le terrain, les résultats sont moins probants. Narendra Modi est perçu en messie de l’économie, alors que son pays se développe. En 2022, l’Inde se hisse au rang de la cinquième économie mondiale. Révolution numérique, industrie pharmaceutique ou conquête spatiale, les succès sont impressionnants. Le premier ministre en prend tout le crédit. Lorsqu’un engin spatial indien se pose sur la Lune, en août 2023, la retransmission historique est interrompue et c’est son visage qui apparaît sur les écrans télévisés.La suprématie glorieuse des hindousAffaiblie par la puissance écrasante du BJP, l’opposition tente néanmoins de contester les bilans économiques de la décennie Modi. Elle dénonce la montée du chômage et les inégalités qui se creusent. Et accuse le premier ministre d’entretenir un lien occulte avec de grands hommes d’affaires, tel son ami Gautam Adani, originaire lui aussi du Gujarat. C’est ce que Christophe Jaffrelot appelle « le capitalisme de connivence » de l’ère Modi.Après sa réélection de 2019, Narendra Modi opère un grand virage. Le caractère laïque de l’Inde est déconstruit au profit de l’« hindutva », qui prône la suprématie glorieuse des hindous. Les manuels scolaires sont revisités et les villes aux consonances musulmanes rebaptisées. On traîne même des pieds à faire visiter le Taj Mahal, joyau moghol, aux dignitaires étrangers. Pendant ce temps, les minorités, qui comptent 200 millions de musulmans et 35 millions de chrétiens, sont traitées en citoyens de seconde zone, et les violences à leur encontre s’accentuent dans les campagnes. Et puis tout s’accélère. En mai 2023, le premier ministre ouvre les portes d’un nouveau Parlement. « India » devient « Bharat », son nom en hindi. La consécration nationale de l’hindouisme est célébrée à travers l’inauguration, le 22 janvier, du temple d’Ayodhya, construit sur l’emplacement d’une ancienne mosquée. L’un des vœux les plus chers de Narendra Modi.Cette vague safran qui déferle est imposée en muselant les voix critiques, les universités et les médias. Le pouvoir judiciaire se plie lui aussi davantage au gouvernement. Des accusations d’irrégularités fiscales se chargent de dompter opposants ou récalcitrants. Arvind Kejriwal, chef du gouvernement de Delhi et adversaire du BJP, a été envoyé derrière les barreaux en mars. Désormais, dans les restaurants de la capitale, ceux qui sont tentés de critiquer Narendra Modi préfèrent chuchoter.« Il ne fait confiance à personne »Fines lunettes rectangulaires, barbe blanche de sage, sourire charmant ou mine austère, le visage du premier ministre est devenu omniprésent, affiché sur les murs ou en première page des journaux. Shashi Tharoor, député de l’opposition, y voit « le culte de la personnalité le plus extraordinaire de l’histoire de l’Inde moderne ». Soignant son apparence et ses vêtements, Narendra Modi semble toujours en campagne. Son accent gujarati donne à ses discours une éloquence théâtrale qui ravit les foules, ponctuée de féroces attaques visant l’héritier du parti du Congrès, Rahul Gandhi. Mais il n’est à l’aise que s’il est seul maître à bord. En dix ans, il n’a jamais donné une seule conférence de presse. Avec paternalisme, il s’adresse chaque mois aux Indiens dans son émission radiophonique intitulée « Mann Ki Baat » (« La parole venue du cœur »).« Narendra Modi a un point faible : il ne fait confiance à personne », estime son biographe. Un seul homme est toléré avec une loyauté sans faille : Amit Shah, son redoutable ministre de l’intérieur et fidèle lieutenant depuis plus de trente ans. Lui a toujours manœuvré pour protéger son mentor. En 2019, c’est Amit Shah qui a piloté les deux réformes les plus controversées du gouvernement : l’abolition de l’article 370 de la Constitution, qui conférait une autonomie relative au Cachemire, seule région à majorité musulmane du pays, suivie de la loi sur la citoyenneté (CAA, 2019) qui rend les musulmans réfugiés du Bangladesh, du Pakistan et de l’Afghanistan non éligibles à la citoyenneté indienne. Dans les deux cas, ce sont les musulmans qui sont ciblés.L’Inde courtisée par l’OccidentSur la scène internationale, l’Inde de Narendra Modi se retrouve courtisée par l’Occident. Les photos du premier ministre, autrefois infréquentable, qui donne l’accolade à un Joe Biden ou un Emmanuel Macron, inondent les médias. À la grande fierté des Indiens. Un pays entier prend sa revanche sur l’humiliation de la colonisation. « Narendra Modi est extrêmement habile à vendre le soft power indien, à affirmer haut et fort à l’étranger les valeurs qu’il transgresse allègrement chez lui, à manipuler les chefs d’État en leur chantant à l’oreille les atouts de l’Inde, tout en fustigeant dans leur dos l’Occident », décrypte la journaliste Sophie Landrin qui signe, avec son confrère Guillaume Delacroix, l’essai Dans la tête de Narendra Modi.Architecte du national-populisme indien, Narendra Modi a transformé son pays. Porté par son rêve d’une nation hindoue, il a peu à peu brisé le socle de la démocratie. Certains assurent que l’Inde a déjà basculé vers l’autocratie, voire la théocratie ou une forme de dictature. Les mots manquent et flottent encore face à ce chapitre inédit de l’histoire.—Une vie de politique17 septembre 1950. Naissance à Vadnagar, petite ville du Gujarat, État indien limitrophe du Pakistan. Dès ses 8 ans, il intègre les rangs du RSS, organisation nationaliste hindoue à caractère paramilitaire.1998. Narendra Modi devient secrétaire général du BJP, le parti national-populiste.2001. Accession au poste de ministre en chef (chef de l’exécutif) du Gujarat, qu’il occupe jusqu’en 2014. Il s’y construit une image de manageur efficace qui encourage l’entrepreneuriat et attire les investissements.2002. Des émeutes visant les populations musulmanes du Gujarat font entre 800 et 2000 morts. Narendra Modi est accusé de passivité face aux violences.2014. Le BJP triomphe aux élections législatives, Narendra Modi est nommé premier ministre.2019. Nouvelle victoire aux élections législatives du BJP, qui offre à Narendra Modi cinq années supplémentaires à la tête du pays. Ce deuxième mandat est marqué par une politique identitaire d’affirmation de la suprématie de l’hindouisme.—Un gigantesque marathon électoral970 millions d’Indiens : il s’agit du nombre de citoyens appelés aux urnes pour élire les membres de la Lok Sabha (« la chambre du peuple », en hindi), la chambre basse du Parlement indien, qui nomme le premier ministre. Il s’agit de la plus grande élection de tous les temps, détrônant le précédent record établi par les élections générales indiennes de 2019.44 jours : c’est le temps que va durer le processus électoral pour faire face à l’immense défi logistique qu’il représente. Les populations de différentes régions et circonscriptions indiennes vont être successivement appelées en sept étapes, du 19 avril au 1er juin.5 millions de machines électroniques seront déployées dans plus d’un million de bureaux de vote dans le pays.543 députés de la Lok Sabha sont élus pour cinq ans au scrutin uninominal majoritaire à un tour. Fort d’une majorité absolue, le parti BJP de Narendra Modi est donné grand favori face à la coalition India, emmenée par le Parti du Congrès. Les résultats doivent être dépouillés et annoncés le 4 juin.



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