Ce n’est pas encore une fronde, mais pour le premier ministre indien Narendra Modi, c’est du jamais-vu. Lorsque son parti nationaliste, le BJP, a voulu imposer cet été aux restaurants musulmans d’inscrire leur nom sur leur devanture, plusieurs de ses alliés ont dénoncé une discrimination et l’ont fait reculer. Idem lorsque son gouvernement a souhaité recruter en court-circuitant les quotas des basses castes. Certains ont même signé un appel à la fin de la vente d’armes à Israël, aux côtés de l’opposition.Depuis les élections législatives de juin, le BJP n’a plus la majorité absolue au Parlement. Pour atteindre cette barre, fixée à 273, les 240 députés du parti de Narendra Modi ont dû s’allier à d’autres partis. Parmi eux, deux forces régionales, le Telugu Desam Party (TDP), de l’État de l’Andhra Pradesh, et le Janata Dal United (JDU), de l’État du Bihar, qui juraient jusqu’alors de renverser Narendra Modi. Des portefeuilles ministériels leur ont fait revoir leurs ambitions.Une majorité fragileOfficiellement, on fait comme si de rien n’était. « La National Democratic Alliance (NDA, coalition de Narendra Modi) sera aussi efficace et transformatrice que les mandats précédents, assure Tejasvi Surya, député du BJP. Les partis qui la composent partagent la vision de Narendra Modi. » En réalité, les conséquences de ce rééquilibrage se font déjà sentir, alors que le Parlement était réduit depuis 2014 à une chambre d’enregistrement.« Finie l’époque où le BJP faisait passer des lois sans discussion et excluait les députés contestataires, constate Sanjay Jha, analyste politique proche du Parti du Congrès, la principale force d’opposition. Ce rééquilibrage le force à respecter le Parlement, où l’ambiance a changé. Rahul Gandhi impose le débat sur les questions sociales face à un premier ministre fatigué. »L’opposition veut croire que le temps joue en sa faveur. Elle laisse Narendra Modi et le BJP se dépêtrer avec leurs alliés de circonstance, dont l’alliance paraît fragile. Les électeurs du JDU et du TDP appartiennent en effet aux basses castes et minorités, que le BJP est régulièrement accusé de mépriser. « Cette coalition est opportuniste, elle peut donc être brisée, pronostique Sanjay Jha. Le jour où le vent tournera vis-à-vis de leurs électeurs, ces partis rejoindront l’opposition. Et alors tout est possible ! »Trouver un nouveau souffleL’effondrement de la NDA relève pour l’heure de la politique-fiction. Le premier ministre devrait parvenir à conserver ses alliés s’il consent au compromis. « Le récent recul sur le recrutement des fonctionnaires mais aussi le retrait d’une régulation controversée des médias numériques montrent qu’un changement dans le gouvernement de Modi est possible », juge l’analyste politique Neerja Chowdhury dans le quotidien The Indian Express.Depuis juin, des promesses phares sur la centralisation du pouvoir ou les « privilèges » musulmans ont disparu. Narendra Modi s’affiche plutôt en bon gestionnaire, comme lors de son discours pour la Fête de l’indépendance, le 15 août. « Ce n’est pas inspirant car les résultats sont minces, regrette l’analyste Tavleen Singh. Notre système scolaire est toujours mauvais et nos villes ressemblent toujours à de vastes bidonvilles. » À l’approche d’élections régionales importantes, son parti est mis au défi de trouver un nouveau souffle.
privé de majorité absolue, Narendra Modi n’est plus tout-puissant
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