Au commandant turc du convoi qui la déportait vers la mort en 1915, Anouch, du haut de ses 20 ans, s’adressa haut et fort, devant ces gendarmes sidérés. « Tu es un homme pieux, tu fais ta prière cinq fois par jour. Au nom de ta foi, comment peux-tu tolérer ces horreurs ? » Elle avait parlé son langage, invoqué la logique de sa foi… Il resta silencieux, la main sur son épée, puis il dit : « Femme, tant que je serai commandant de ce convoi, tu seras sous ma protection. » Anouch, ma grand-mère, avait inventé la programmation neurolinguistique. Parler la langue de l’autre, c’est une question de survie pour une minorité en milieu hostile, s’adapter, comprendre, choisir les mots qui vont trouver l’oreille de l’ennemi, être en intelligence, être intelligent… Les Arméniens ne sont pas plus intelligents que les autres, ils sont obligés de l’être. Alors ils se sont rendus indispensables, jouant un rôle de pont entre l’Orient et l’Occident. A l’image de leur musique, la plus occidentale des musiques orientales, ou la plus orientale des musiques occidentales. Les événements tragiques auxquels nous assistons aujourd’hui, jamais je n’aurais imaginé les vivre. Nous allons terminer le travail, disent les Azerbaïdjanais. Lire aussi l’édito du « Monde » : Le blocus du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan doit cesser Parler de paix, comme l’a fait Jean-Luc Mélenchon dans son tweet (tardif) sur le possible génocide qui menace 120 000 Arméniens dans le Haut-Karabakh, c’est bien, mais la seule solution c’est de reconstituer une pression internationale pour montrer aux Azerbaïdjanais que le monde entier est là pour pallier le lâchage des Russes. Parce que l’Arménie est une des rares démocraties dans cette région où les peuples sont bâillonnés. Parce que l’Arménie reste ce pont entre l’Occident et cet Orient compliqué dont parlait de Gaulle. Parce que les Arméniens ont réussi, dans chaque pays où ils ont émigré, une intégration parfaite, n’hésitant pas à prendre les armes pour le défendre, comme le résistant Missak Manouchian, qui entrera au Panthéon le 21 février 2024. Ni religieux ni civilisationnel Le tweet de Jean-Luc Mélenchon me rassure, les propos d’Anne Hidalgo aussi, qui n’hésite pas à dénoncer la corruption de certaines élites européennes par le pétrole azerbaïdjanais. Ces derniers temps, les défenseurs les plus actifs de la question arménienne étaient clairement des voix de droite. Sans doute en raison de la peur de la gauche de prêter le flanc à une accusation d’islamophobie. Mais ce conflit n’est ni religieux ni civilisationnel. C’est une scorie de la chute de deux empires qui ont la peau dure, l’Empire ottoman et l’Empire russe, tous deux ayant une volonté de reconstitution. Il vous reste 60% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
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« Si la droite et la gauche s’unissent, c’est une chance de plus pour lever le blocus imposé à l’Arménie »
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