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En Inde, la délicate position des chrétiens à l’approche des élections

by News7
En Inde, la délicate position des chrétiens à l’approche des élections



Pendant douze heures, des chrétiens de toutes confessions ont jeûné et prié pour l’avenir de leur pays à quelques semaines d’une échéance électorale décisive. Le 22 mars, la Conférence des évêques d’Inde (CBCI) a organisé une grande « journée de prière » afin d’« intercéder » pour le « bien de (la) nation », avant les élections législatives organisées dans le pays du vendredi 19 avril au samedi 1er juin.Alors que le Bharatiya Janata Party (BJP), parti de la droite nationaliste hindoue sous l’égide du premier ministre Narendra Modi, pourrait sortir renforcé du scrutin, l’Église catholique s’inquiète de nouvelles dérives. Affaiblissement des institutions démocratiques, recul des droits des minorités, polarisation religieuse, pauvreté… « Il y a des craintes vis-à-vis d’attitudes alimentant les divisions (…) et des mouvements fondamentalistes qui érodent la philosophie pluraliste ayant toujours caractérisé notre pays et sa Constitution », a ainsi déploré l’épiscopat, dans un communiqué publié en février.« Valeurs laïques »Sans citer nommément d’individu ou de parti responsable de l’aggravation de la situation, plusieurs hauts responsables catholiques – à l’instar de Mgr Raphael Thattil, archevêque syro-malabare d’Ernakulam-Angamaly (Kerala), fin mars – ont exhorté les Indiens à voter pour les partis défendant « les valeurs laïques et démocratiques indiennes » et les droits des minorités religieuses, soumises aux pressions croissantes des extrémistes hindous.Particulièrement engagée en Inde dans les secteurs de l’éducation et des soins, l’Église chercherait-elle à mobiliser les fidèles sur le terrain politique ? « Sans doute, mais extrêmement prudemment et sans avoir réellement les moyens de peser », estime Christophe Jaffrelot, directeur de recherche au Ceri-Sciences Po (1). Dans les rangs de l’épiscopat, on insiste avant tout sur le « devoir de neutralité de l’Église » dans le domaine – et sur la nécessité de ne pas mêler, indûment, autorité spirituelle et pouvoir temporel.Réalités diverses« Quelques prêtres ou religieuses ont pris plus explicitement position, mais nous, en tant qu’évêques, ne serions pas dans notre rôle en appelant à voter pour un parti. Notre gouvernance est souvent critiquée, mais nous sommes plutôt unis sur le sujet », fait ainsi valoir un membre de l’épiscopat. « Il y a bien un état d’esprit dominant chez les chrétiens à la veille de l’élection : celui que le Parti du Congrès (l’opposition, NDLR) l’emporte, par crainte que le BJP ne change la Constitution », abonde le père Vincent Kundukulam, vice-directeur du séminaire pontifical Saint-Joseph de Mangalapuzha (Kerala).À l’échelle de cet État-continent brassant des réalités ecclésiales extrêmement hétérogènes, ce dernier évoque toutefois aussi des voix dissonantes, « chaque Église étant amenée à défendre des intérêts divers ». D’autant que la manière de procéder semble aussi révéler une ligne de faille. « Ces deux conceptions ne sont pas contradictoires, mais il y a ceux qui essayent de sensibiliser les chrétiens en les exhortant à “bien voter”, et ceux qui estiment qu’il vaut mieux faire profil bas et parler avec les autorités pour protéger ce qui peut encore l’être », appuie Christophe Jaffrelot.Sujets polémiquesCet hiver, une scène a suscité la polémique. Le matin de Noël, Narendra Modi a accueilli dans sa résidence officielle à New Delhi une délégation de personnalités chrétiennes, dont le cardinal Oswald Gracias, archevêque de Bombay (Maharashtra). Si le chef du gouvernement évoquait alors des similarités entre christianisme et hindouisme et se disait « marqué » par sa rencontre en 2021 avec le pape, il n’avait pas du tout été interpellé sur la hausse des violences – exacerbées par la banalisation de lois anticonversion – ciblant les chrétiens, ou encore sur le conflit interethnique et religieux embourbé dans l’État du Manipur.« Cela renvoie l’impression que les chrétiens n’osent pas parler des sujets qui fâchent, par peur d’aggraver les choses ou d’être sanctionnés en retour », déplore le père Vincent. Dans le sillage des musulmans très éprouvés ces dernières années, Christophe Jaffrelot estime que les chrétiens « pourraient être la cible privilégiée d’un troisième mandat » de Modi à l’issue du scrutin. « Le BJP cherche à limiter leur rôle, très important, dans le secteur éducatif, explique le spécialiste. Les nationalistes pourraient s’attaquer à ces institutions scolaires pour les hindouiser. Leur priorité, c’est de transformer l’Inde en nation hindoue. »(1) L’Inde de Modi. National-populisme et démocratie ethnique, Fayard, 2019, 352 p., 25 €.——Des minorités ciblées par des pressionsL’Inde compte environ 2,3 % de chrétiens, soit 27 à 30 millions de fidèles. Parmi les catholiques figurent 11,8 millions de fidèles « romains », 3 millions de syro-malabares et environ 300 000 syro-malankares. Le pays compte aussi 4 millions d’orthodoxes et près de 10 millions de protestants. Les évangéliques y connaissent un essor important.L’Église catholique dirige près de 15 000 établissements d’éducation, et environ 700 hôpitaux et 2 000 dispensaires.Depuis 2014 et l’accession au pouvoir du BJP, les minorités musulmane et chrétienne subissent des pressions croissantes des nationalistes hindous : discriminations, agressions, vandalismes de lieux de culte…



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