Le verdict pourrait mettre fin à un combat de plus d’un demi-siècle : Iwao Hakamada, un Japonais accusé de meurtre mais qui clame son innocence, saura jeudi 26 septembre s’il est acquitté ou de nouveau condamné, après avoir passé 46 ans dans le couloir de la mort.Accusé d’avoir assassiné une famille il y a bientôt 60 ans, Iwao Hakamada, aujourd’hui âgé de 88 ans, est rejugé depuis octobre par le tribunal de Shizuoka (centre du Japon), là où il avait déjà été condamné à la peine capitale en 1968. En mai dernier, lors d’un nouveau procès, le parquet avait de nouveau réclamé la peine de mort.« Je suis très heureuse que le procès touche à sa fin car cela fait 58 ans que je me bats », a confié samedi sa sœur, Hideko, âgée de 91 ans et cheffe de file des nombreux soutiens d’Iwao Hakamada. « On espère avoir un acquittement. S’il est jugé non coupable, j’espère pouvoir lui dire : on a enfin obtenu ce qu’on demandait depuis le début », a-t-elle encore déclaré mardi.Selon le quotidien japonais Mainichi Shimbun, c’est la cinquième fois que des procureurs au Japon réclament de nouveau la peine capitale dans des procès en révision d’anciens condamnés à mort. Dans les quatre premiers dossiers, des acquittements ont été finalement prononcés.Le chemin pour obtenir un procès en révision a été particulièrement long et tortueux pour Iwao Hakamada, devenu un symbole pour les partisans de l’abolition de la peine de mort au Japon.430 heures d’interrogatoires brutauxLe 18 août 1966, Iwao Hakamada, ancien boxeur professionnel devenu employé dans une entreprise de fabrication de miso (pâte de soja), est arrêté pour le quadruple meurtre de son patron et de trois membres de la famille de celui-ci, survenu deux mois plus tôt.Le Japonais subit des interrogatoires brutaux durant 430 heures durant lesquelles il est menacé, frappé et empêché de dormir ou de boire de l’eau par une dizaine d’enquêteurs. Il finit par avouer être l’auteur de ces meurtres mais se rétracte aussitôt, expliquant avoir été maltraité pendant la détention. Il clame son innocence dès le premier jour de son procès mais se voit cependant jugé coupable et condamné à mort par le tribunal de Shizuoka en septembre 1968.Iwao Hakamada conteste le jugement, mais sa condamnation est maintenue par la Haute Cour de Tokyo en 1976, puis confirmée en 1980 par la Cour suprême japonaise. La défense réclame une révision de la décision l’année suivante, rejetée par le tribunal de Shizuoka en 1994, par la cour d’appel en 2004 puis par la Cour suprême en mars 2008.Aussitôt la demande refusée, sa sœur Hideko initie à son tour un nouveau recours pour obtenir un procès en révision, une procédure validée par le tribunal de Shizuoka le 27 mars 2014. Son frère, bloqué dans le couloir de la mort depuis près d’un demi-siècle, est alors relâché, sa condamnation à mort se trouvant suspendue.Des pièces à conviction fabriquées ?La justice japonaise admet alors des doutes sur sa culpabilité après que des tests génétiques – réalisés par la défense – ont ébranlé des éléments à charge au cœur du dossier d’accusation : l’ADN retrouvé sur des vêtements ensanglantés ne correspondait pas à celui du condamné. Les avocats d’Iwao Hakamada estiment qu’il est probable que des pièces à conviction aient été fabriquées par la police ou les enquêteurs pour justifier son arrestation et sa condamnation.Les rebondissements continuent. Sur appel du parquet, la Haute Cour de Tokyo remet en cause en 2018 la fiabilité de ces tests ADN et annule la décision de 2014, sans pour autant renvoyer Iwao Hakamada en prison. La Cour suprême, à son tour, casse en 2020 cette décision qui empêchait Iwao Hakamada d’être rejugé.Son procès en révision s’ouvre enfin en octobre 2023. Lors des réquisitions, en mai dernier, les procureurs demandent de nouveau la peine capitale en évoquant sa culpabilité « au-delà de tout doute raisonnable ».Si le verdict attendu jeudi peut mettre fin à un parcours judiciaire aux accents kafkaïens, ses proches soulignent les importantes séquelles psychologiques dont Iwao Hakamada souffre après ses 46 années passées dans le couloir de la mort, à l’isolement la plupart du temps. Et en sachant que chaque jour pouvait être son dernier. Les condamnés à mort au Japon sont souvent avertis au tout dernier moment qu’ils vont être pendus quelques heures plus tard.
Au Japon, verdict attendu pour un homme bloqué dans le couloir de la mort depuis 46 ans
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